Bonjour Dominique Wendling. Cette discussion a pour objectif
de présenter votre parcours au sein de l’entreprise adidas France, avec son lot
d’histoires, d’anecdotes, détails, etc. Mon souhait est de partager, et par la
même occasion, archiver, votre vécu, afin d’enrichir les lecteurs sur le passé
de la marque.
- Merci de vous présenter:
DW : J’ai fait des études en journalisme puis, après avoir effectué un
long stage à la Voix du Nord à Lille et été pigiste aux DNA à Strasbourg, j’ai
eu l’opportunité d’intégrer le service des sports des DNA pendant la dernière
année de mon cursus universitaire, en décembre 1975. Je suis resté dans ce
service jusqu’en mai 1986. Je garde un excellent souvenir de cette période,
avec des collègues en majorité de ma génération et une grande latitude dans le
travail. En 1986, j’ai été contacté par adidas pour intégrer les Relations
Publiques avec en particulier les relations avec la presse (économique,
sportive, professionnelle), la communication interne et des événements spéciaux
comme, par exemple, le club adidas à Roland-Garros ou l’organisation de la
remise du soulier d’or. J’en suis devenu le Directeur. Un changement
d’organisation m’a conduit à prendre en charge une ligne de produits (le basket
ball et la ligne vintage). Le job : assurer la gestion d’un centre de
profit avec la création des produits pilotée par nos collègues des Etats-Unis,
la sélection pour le marché français, le support aux négociations avec les
comptes-clés, les prévisions, la communication. Avec des cycles de collection.
J’ai ainsi été Business Unit Manager au moment du lancement du streeball
(basket de rue) en France, une expérience très forte avec la mise sur pied d’un
circuit dans de nombreuses villes en France. Une opération marketing qui nous a
valu le Phénix du Sponsoring en 1992. Pendant ce temps, la société était entrée
dans une phase de restructuration faisant passer l’entreprise d’une entité
dédiée à la fabrication (avec des nombreux sites en France comme Dettwiller, La
Walck, Marmoutier en Alsace, Nontron en Dordogne, Chaligny en Moselle, St
Vincent de Tyrosse dans les Landes et Libourne en Gironde pour la France) vers
une société dédiée au marketing avec une production délocalisée vers les pays
de l’Est et le Sud-Est asiatique. Avoir la maitrise de son outil de production
était longtemps une force, mais la chute du dollar en a fait un handicap face
aux rivaux (Nike et Reebok) qui émargeaient et qui n’avaient aucune usine en
propre et sous-traitaient toutes leurs commandes. La restructuration passée
avec la fermeture des usines en France, le DG de l’époque m’a proposé de
prendre et relancer les RH, le fait d’être issu du marketing, le métier fort et
d’avoir assuré la communication interne ayant été des atouts. J’y ai appris
avec beaucoup de plaisir un nouveau job et ai pu, avec mon équipe, implanter
une nouvelle logique (recrutements de jeunes diplômés, formation, mobilité
interne, bien-être au travail etc…). J’ai quitté l’entreprise à regret en 2002,
le nouveau DG souhaitant apporter une autre logique, mais mon attachement à
l’entreprise est resté puissant.
- Qu’est-ce qui vous a conduit à travailler chez adidas ? Comment êtes-vous
entré chez adidas ?
DW : Ils cherchaient plutôt un journaliste de sport. Côtoyant
régulièrement les dirigeants d’adidas, qui invitaient la presse lors de la
venue de grands champions au siège de Landersheim dans le Bas-Rhin, les choses
se sont faites naturellement. Pour moi, c’est quasiment un rêve qui se
réalisait tant l’image de la marque était puissante.
- Quelle est votre quotidien pour le/les poste(s) occupé chez adidas ?
DW : Il était multiple et c’est ce qui était passionnant. L’objectif étant de contribuer à valoriser l’image de marque de l’entreprise. Il fallait assurer les relations avec la presse (communiquer les signatures avec des athlètes, organiser des conférences de presse, des événements, et le placement de produits dans le cinéma, le show biz ou les journaux de mode). Les temps forts étaient la quinzaine de Roland-Garros où adidas était un acteur très important avec des soirées VIP comme la fête consacrée à Stan Smith, en présence du champion, pour l’entrée dans le livre Guiness des records à l’occasion des 22 millions de Stan Smith vendues dans le monde. C’était en 1990 où tous les invités étaient chaussés de la chaussure blanche mythique. Comme l’organisation de la remise du soulier d’or à Diego Maradona au Lido ou le Grand Prix des Champions réunissant champions français et journalistes à La Plagne. Il y avait aussi le sponsoring hors stade comme le Tour du monde en ULM réalisé sur 30 mois par Patrice Francheschi qui a connu un très grand succès. De grands moments !
Pour le poste de Business Unit Manager, c’est davantage l’aspect marketing et ventes qui a prévalu avec en particulier la gymnastique liée à suivre les ventes des collections en cours, de finaliser la suivante et d’ébaucher déjà celle qui allait lui succéder.
Quant aux Rh, c’était de lancer une vision nouvelle des
Ressources humaines avec de nouveaux outils, un effort puissant vers la
formation et le recrutement de jeunes talents, la communication interne mais
aussi, hélas, assurer de manière la moins douloureuse possible la fermeture de
sites de production.
- Pouvez-vous nous en dire plus sur votre rôle d’éditeur de la gazette
adidas News ?
DW : Il manquait alors un lien entre adidas et les acteurs du monde
économique et sportif (presse, VIP, clients, sportifs sous contrats etc…).
Adidas News faisait ce lien en donnant l’actualité de la marque à partir de
1987. Nous avions un autre journal, mais réservé aux collaborateurs, qui
s’appelait Relais.
- Quelles sont les collections travaillées durant ces années ?
(Modèles chaussures, lignes vêtements, etc.)
DW : Durant l’époque où j’y ai travaillé, adidas a connu
plusieurs best-sellers comme les World Cup ou la Predator en football, la gamme
ZX en running, la Forum en basket pour les chaussures, mais aussi le
survêtement Challenger. A l’époque, adidas avait aussi une gamme de raquettes
fabriquées en France. Ivan Lendl était à l’aise avec une des raquettes avec un
tamis réduit et lorsque la mode est passée vers des tamis plus grands, il a
préféré rester fidèle à sa raquette considérant que c’était son outil de
travail.
- Etes-vous le photographe de la fameuse photo d’Abdul-Jabbar dans l’usine
adidas à Dettwiller ? Que pouvez-vous nous dire sur sa venue ?
Echos sur adidas, période 1985/2000
Dominique Wendling
Stan Smith aux pieds – En 1990, adidas entre au Livre Guiness des records grâce à la vente de 22 millions de paires de Stan Smith. C’est l’occasion d’une fête à Roland-Garros, en présence du champion de tennis et de nombreux VIP. A cette occasion, tous les invités avaient troqué leurs chaussures pour enfiler la mythique tennis blanche, une des premières en cuir, développée par le champion français Robert Haillet avant de devenir le symbole de la chaussure de sport descendue dans la rue.
Placement de produits – Grâce à une présence assidue à Hollywood d’Angelo Anastasio, de nombreuses vedettes internationales ont porté des produits adidas dans des films, sur scène ou dans leur vie. Parmi les succès, la série Starsky et Hutch, Superman.
Ballon alsacien – Le ballon officiel de la Coupe du Monde de football a longtemps été fabriqué à La Walck en Alsace qui a produit jusqu’à 2 500 ballons par jour en cuir ou en matière synthétique. Onze étapes étaient nécessaires pour réaliser le ballon parfait : 1. La préparation des matières, 2. Le collage et l’imprégnation des tissus de renfort, 3. La presse chauffante pour réactiver la colle, 4. La découpe des panneaux, 5. Le triage qualité, 6. Le marquage en sérigraphie des panneaux, 7. La fixation de la vessie, 8. La couture finale, 9. Le pesage du ballon, 10. Le lavage du ballon, 11. Le contrôle de la sphéricité par ordinateur, 12. L’emballage.
Raquette également alsacienne – En 1986, Ivan Lendl devient leader du tennis mondial. Il est équipé de pied en cap par la marque aux trois bandes : polo, short, chaussures et… la raquette. Une raquette à petit tamis, composée de fibre de verre, graphite, kevlar qui confère au modèle un très bon rapport poids-résistance-élasticité et beaucoup de rigidité permettant une restitution optimale de l’énergie. Elle est parfaitement adaptée au jeu tout en puissance d’Ivan et son coup droit destructeur. Cette raquette était fabriquée à Marmoutier dans le Bas-Rhin.
Onze sites – Jusque dans les années 90, adidas a compté onze implantations en France : Dans le Bas-Rhin, le siège d’adidas-France de Landersheim (depuis 1967), Dettwiller (1960), le premier siège mais aussi site de production de chaussures et bureau d’études, La Walck/Pfaffenhoffen (1960), fief du ballon mais aussi site de production de chaussures et à Marmoutier (1980), développement et production de raquettes. En Dordogne (1972), à Nontron, production de chaussures. Dans les Landes (1970), à Saint Vincent de Tyrosse, production de chaussures. En Gironde (1976), à Libourne, production textile. En Moselle (1986), à Chaligny, production textile. Dans l’Aube, à Troyes (1976), le centre d’approvisionnement européen pour le textile, le bureau d’études, le tricotage et la production textile. Et enfin en Ile de France, à Paris (1973) le magasin, show room et des bureaux, rue du Louvre et à Fontainebleau (1989), le centre de création mondial de textile.
Le grand bleu – Le film mythique de Luc Besson avec Jean Reno et Jean-Marc Barr a été l’occasion d’un grand moment pour adidas : sur la fameuse scène du piano, on y voit une paire de basket. L’occasion pour la marque de réaliser des posters de la scène et d’inviter des clients pour les premières dans les grandes villes.
Renaissance – En 1986, au plan mondial, adidas réalisait le même chiffre d’affaires que Nike et Reebok réunis. Mais l’entreprise a raté le virage du jogging/running qui a profité à Nike et celui du fitness qui a lancé Reebok. Après un sérieux passage à vide et une réorganisation, la marque est repartie notamment grâce à la relance de produits vintage des années 70. En particulier la chaussure Gazelle. Portée par le mannequin Helena Christensen, elle a fait la couverture du magazine Cosmopolitan en France qui a constitué le vrai déclic pour relancer les produits historiques.
Première – Adidas a été la première chaussure de basket en cuir à être portée par les basketteurs professionnels de la Ligue ABA puis de la NBA. Notamment la Superstar lancée par les Celtics de Boston puis des champions comme Kareem Abdul Jabbar.
Tour du monde – A côté de ses engagements sur les stades pour les athlètes, les clubs ou les fédérations, adidas était également présent sur du sponsoring. Comme le tour du monde en ULM réalisé entre septembre 1984 et mars 1987 par Patrice Francheschi qui a parcouru 40 000 km et traversé 34 pays avec un relais par les distributeurs d’adidas dans de nombreux pays.
Un énorme remerciement à Dominique pour son temps et sa sympathie.